Un simple détail que votre banque remarque suffit désormais à faire fermer votre livret d’épargne par l’État, sans aucun préavis.
Des milliards oubliés sur des comptes dormants
C’est une info qu’on lit distraitement… du moins jusqu’à ce qu’on se rende compte qu’elle nous concerne. Depuis six ans, plus de 10 millions de comptes bancaires ont été transférés à la Caisse des Dépôts. En clair : des comptes laissés à l’abandon, jamais utilisés, jamais réclamés. Parmi eux, une quantité impressionnante de Livrets A. L’argent ne disparaît pas d’un claquement de doigts, mais il finit par quitter la banque, puis parfois, par s’évaporer dans les caisses de l’État. Le chiffre donne le vertige : plus de 7 milliards d’euros égarés dans ces oubliettes administratives. Et derrière ces sommes, ce ne sont pas forcément des histoires de négligence ou d’incompétence. Parfois, juste un décès mal géré, un changement de banque, ou un vieux compte ouvert à la naissance d’un enfant et jamais suivi. Ce livret A inactif, on le croit en veille, alors qu’il est déjà à deux doigts de sortir du système.
Le phénomène n’est pas nouveau. Mais il a pris de l’ampleur ces dernières années. Alexandre Barbelane, avocat spécialisé en droit bancaire, parle d’un vrai angle mort dans la gestion patrimoniale des particuliers. Les banques, elles, ne sont pas toujours très proactives. Et l’inactivité d’un compte ne veut pas dire qu’il n’est pas important. Un vieux placement, un héritage, une épargne oubliée : tout ça peut finir aspiré par la loi Eckert, entrée en vigueur en 2016, qui impose aux banques de signaler l’inactivité, mais leur permet aussi, une fois les délais écoulés, de transférer l’argent à la Caisse des Dépôts. Après cinq ans sans mouvement sur un Livret A inactif, puis cinq années de silence de la part du titulaire, l’argent s’en va. Et, au bout de vingt ans, il est définitivement absorbé par l’État. Disparu, même si vous retrouvez le RIB au fond d’un vieux classeur.
Un Livret A inactif peut disparaître sans même que vous le sachiez
On croit souvent qu’un livret d’épargne peut dormir tranquillement, tant qu’il génère des intérêts. Mais non. La loi est formelle : l’absence d’activité prolongée, même silencieuse, peut suffire à faire disparaître le compte des radars bancaires. Et ce qui paraissait être une stratégie « long terme » s’effondre faute de visibilité. Depuis juillet 2023, la règle s’est encore durcie. Il est désormais possible d’ouvrir un livret A dans une autre banque que celle de votre compte courant. Ce qui paraît pratique à première vue se révèle risqué en réalité. Le lien entre les deux comptes est rompu. Résultat : plus de suivi naturel, plus de relevé groupé, plus de notifications. On oublie. On passe à autre chose. Et le livret glisse doucement dans l’oubli.
Un livret A inactif, c’est aussi un piège discret. Parce qu’il ne crie pas. Il ne signale rien. Il continue à produire des intérêts, mais ceux-ci ne suffisent pas à le garder vivant aux yeux de la banque. Sans virement, sans retrait, sans simple connexion à votre espace en ligne, la machine administrative le classe comme « dormant ». Et une fois archivé dans cette catégorie, il ne reste plus qu’un compte à rebours. Cinq ans avant le transfert. Vingt ans avant l’effacement. Pour éviter ça, il suffit de presque rien : un virement de quelques euros, une connexion ponctuelle, une mise à jour d’adresse. Rester actif, ce n’est pas tout surveiller. C’est juste rester visible.
Comment éviter la fermeture du livret A ?
Quand livret d’épargne et compte courant partagent la même banque, la gestion est plus intuitive. Une seule appli, un seul coup d’œil. Ce réflexe visuel évite les mauvaises surprises. Alexandre Barbelane le dit très simplement : quand tout est regroupé, on suit mieux. L’œil accroche le solde, on garde le lien. À l’inverse, un livret A inactif chez un établissement secondaire, isolé du reste, devient invisible. Personne n’y pense. Et c’est là que le compte prend la poussière. Jusqu’à basculer dans la liste des fonds non réclamés.
Le plus triste, c’est que ces montants ne sont pas anodins. On parle souvent de vieux livrets ouverts à la naissance d’un enfant, d’un petit capital placé par les grands-parents, d’un pactole oublié après un déménagement. Ces sommes, à l’échelle d’un foyer, peuvent faire la différence. Et tout ça peut s’évaporer sans alerte, sans notification sonore, sans panneau rouge qui clignote. C’est un glissement silencieux. Un livret d’épargne oublié est comme un meuble laissé dans un garde-meuble dont on aurait perdu la clé. Sauf qu’ici, au bout de vingt ans, le garde-meuble ne vous attend pas. Il vide tout et ferme à double tour.